Coupe du Monde 2022 : Une hérésie à tous les points de vue
Comme tous les 4 ans, la Coupe du Monde de foot fera partie des grands événements de l’année. Pourtant, cette fois, rien ne se passera comme d’habitude. Entre le décalage du Mondial à l’hiver, la construction de stades qui ne serviront que pour cette compétition et la mort de très nombreux migrants pour les construire, les raisons de ne pas voir d’un bon œil cette édition qatarie sont nombreuses.
Depuis plusieurs semaines déjà, l’Équipe de France est qualifiée pour la Coupe du Monde 2022. Cette nouvelle devrait réjouir tous les amoureux de football et pourtant, c’est très loin d’être le cas. Déjà car depuis que la FIFA a décidé, dans un objectif financier, d’élargir le nombre d’équipes présentes, il est beaucoup plus simple de se qualifier pour cet événement. Mais aussi car cette compétition n’aurait jamais dû avoir lieu dans ce petit émirat du golfe Persique.
Pour comprendre comment ce micro-état l’a emporté, il faut remonter à 2010, année d’attribution de l’événement. Lors de la désignation du pays organisateur au congrès de la FIFA, le Qatar bat les Etats-Unis à la surprise générale avec 14 votes contre 8. Très vite, plusieurs médias dévoilent leurs soupçons sur la fédération de football, déjà accusée de corruption depuis plusieurs années : juste avant le vote, la chaîne de télévision Al-Jazeera, propriété de l’État qatarien, a offert 400 millions de dollars à la FIFA.
Les chantiers des stades se sont transformés en cimetières
Jusqu’ici, rien de bien nouveau en réalité, ce n’est pas la première fois qu’il y a des pots-de-vin dans le monde du sport. Le problème, ce sont les conséquences de cette décision. Le Qatar est un minuscule état, plus petit que l’Île-de-France, qui ne possède aucune des infrastructures nécessaires à l’organisation d’un tel événement sportif.
Des dizaines de milliers de travailleurs ont été embauchés pour bâtir les stades, mais aussi des routes, des hôtels… voire une ville entière au nord du pays : Lusail City. Les ouvriers viennent en majorité du Pakistan, d’Inde, du Bangladesh et du Sri Lanka et pensaient venir pour un meilleur avenir. En réalité, ils se retrouvent à vivre dans des conditions insalubres, et ne peuvent pas repartir dans leur pays car leurs passeports ont été confisqués à leur arrivée. Sous-payés, ils aussi quotidiennement en danger sur les chantiers. Depuis le début des travaux il y a 10 ans, le journal d’informations britannique The Guardian a dénombré près de 7 000 personnes décédées sur les constructions. Ces chiffres ont alerté l’ONG Amnesty International qui demande un boycott pur et simple de cette Coupe du Monde.
Pourtant, dans le monde du football, peu de fédérations ou de joueurs se sont positionnés en faveur d’un boycott. Seule la Norvège a affiché son intention de ne pas se rendre au Qatar si elle s’y qualifiait. En France, la question a été vite tranchée par Noël Le Graet, président de la Fédération Française de football : pas question de risquer une suspension par la FIFA en s’opposant à la tenue de cette compétition. Comme toujours, l’argent l’emporte sur la raison. Pourtant, un boycott des champions du monde en titre aurait un poids bien plus important que celui d’un pays comme la Norvège, qui ne s’est finalement même pas qualifiée. Pour la France, la question dépasse le cadre sportif : difficile, en effet, de se s’opposer à un pays qui détient la totalité du premier club de Ligue 1, le Paris Saint-Germain. Difficile aussi de se braquer avec le monde arabe, alors qu’Emmanuel Macron a décidé de renouer le contact avec Mohammed ben Salmane, le prince héritier d’Arabie Saoudite, pourtant accusé du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Le président français veut garder de bonnes relations avec les pays pétroliers et l’Équipe de France est la vitrine de la nation. Les joueurs sont donc priés de se rendre au Qatar, et avec le sourire.
Un pays classé 128ème sur les libertés de la presse
Il est compliqué d’imaginer le boycott d’une des nations majeures de cette Coupe du Monde, mais alors, que deviendront les supporters qui veulent s’y rendre ? Les autorités qataries ont assuré qu’il serait possible de boire de l’alcool, même si la vente est interdite dans ce pays qui applique la charia. Les responsables de l’organisation ont également affirmé que les femmes seront autorisées à entrer dans les stades, voilées ou non. Mais dans cet état où l’ONG Human Right Watch a récemment dénoncé les mesures de tutelles imposées aux femmes ainsi que leur absence totale de liberté, on peut se demander comment réagiront les Qataris en voyant débarquer des femmes aux mœurs largement plus libérées qu’au Moyen-Orient. Enfin, dans cet endroit où l’homosexualité est passible de la peine de mort, le public LGBT risque d’être lui aussi obligé de faire preuve de pudeur s’il veut se déplacer dans les stades.
La compétition s’annonce donc réelle sans saveur. En outre, elle a été décalée à l’hiver pour éviter les fortes chaleurs du Moyen Orient l’été et sera donc probablement beaucoup moins suivie que les précédentes : l’ambiance n’aura rien à voir avec ce qu’on a pu connaitre lors des éditions estivales, où une grande partie des Français sont en vacances. Quant aux joueurs, ils devront aller au Qatar sans préparation, en raison d’un calendrier sportif très serré. La compétition a été décalée à l’hiver, et cela met un beau bazar dans le calendrier. Mais malgré cela, les stades seront quand même climatisés, ce qui n’est certainement pas la meilleure idée pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour les joueurs, le risque de blessure sera donc important, et le plaisir de jouer une Coupe du Monde dans des stades à moitié vides ne pas aider à remplir les bars qui sont d’habitude pleins en France pour ce genre d’occasion. Si proche de l’événement, il est aujourd’hui impossible de changer le lieu, mais on peut espérer que la FIFA sera plus judicieuse pour les prochaines éditions.